Sixième principe (3)

Sixième principe : cinquième section

Revenons à présent à notre sujet. Lorsque nous avons mentionné (dans la deuxième section) l'interdiction d'écouter des paroles de lashone har'a, on faisait référence au fait d'aller au-devant de telles paroles. Mais si l'on est assis en compagnie de personnes réunies par une certaine circonstance, qui commencent à proférer des paroles interdites, et qu'on ait le sentiment qu'aucune parole de réprimande n'aura d'effet sur elles, le comportement à adopter dépend des circonstances suivantes :

S'il est possible de quitter l'endroit, ou de boucher ses oreilles avec les doigts, c'est une grande mitsva d'agir ainsi, comme nos Maîtres de mémoire bénie l'ont enseigné (Traité Kétouvot 5a et b) :

Bar Qappara a enseigné : quel est le sens du verset :

« [וְיָתֵד תִּהְיֶה לְךָ, עַל-אֲזֵנֶךָ; [וְהָיָה, בְּשִׁבְתְּךָ חוּץ, וְחָפַרְתָּה בָהּ, וְשַׁבְתָּ וְכִסִּיתָ אֶת-צֵאָתֶךָ - tu auras aussi une bêchette (iyatèd) (1) dans ton équipement [et quand tu iras t'asseoir à l'écart, tu creuseras la terre avec cet instrument et tu en recouvriras tes déjections] (2) ».

Ne lis pas : « ton équipement (aznekha) » (3) mais « sur ton oreille (oznékha) », ce qui signifie [5b] que lorsqu'on entend des paroles qui ne sont pas convenables (4), on doit placer son doigt qui a la forme d'une cheville dans ses oreilles. Et c'est ce que Rabbi Él'azar a dit : pourquoi les doigts d'un homme ressemblent-ils à des chevilles ? Si l'on dit que c'est parce qu'ils sont distincts les un des autres, alors chacun des doigts a été désigné pour une tâche sainte et différente, comme le Maître l'a enseigné : le petit doigt (l'auriculaire) a pour fonction de mesurer un empan (5), la distance entre l'extrémité du petit doigt et celle du pouce, soit la largeur du pectoral du Cohen gadol. L'annulaire sert à mesurer la poignée de l'offrande de farine. Le majeur sert à mesurer une coudée (la distance du coude à l'extrémité du majeur). L'index sert à l'aspersion du sang des offrandes sur l'Autel du Temple. C'est sur le pouce enfin que le sang et l'huile sont placés dans le rituel de purification du métsora (6).

En fait, la question est la suivante : pour quelle raison pointent-ils comme des chevilles ? C'est pour qu'une personne qui entend des propos inconvenants puisse placer ses doigts dans les oreilles.

De même, un Sage de l'académie de Rabbi Yishmaël a enseigné : Pourquoi toute l'oreille est-elle dure, tandis que le lobe est souple ? C'est pour qu'une personne qui entend des propos inconvenants puisse replier le lobe sur l'ouverture de son oreille pour l'obstruer. Les Sages ont enseigné : on ne doit pas laisser son oreille entendre de vaines paroles (7), parce que les oreilles sont très sensibles, et sont le premier organe qui brûle. On doit s'assurer de ne pas les exposer à quoi que ce soit d'inconvenant. » (8)

Mais s'il lui est impossible de s'en aller, et s'il pense que le geste de se boucher les oreilles lui sera également très difficile, parce qu'on va se moquer de lui, qu'il rassemble ses forces [intérieures] en ce moment d'épreuve, et qu'il mène « la guerre de HaShem contre son inclination au mal », pour ne pas trébucher, quoi qu'il arrive, et céder à l'interdiction de la Torah d'écouter et d'accepter des paroles de lashone har'a.

Cela exige trois conditions qu'il doit soigneusement observer, afin de se garder de ce issour de la Torah :

a) Il doit se montrer absolument résolu à ne pas croire en son for intérieur les paroles dénigrantes que [ces personnes] disent au sujet de leur prochain.

b) Il ne doit pas se sentir à l'aise en entendant ces paroles interdites.

c) Il doit s'imposer la stricte discipline de ne rien montrer, de ne faire aucun geste qui puisse laisser penser à ces personnes qu'il approuve ce qu'elles disent.

Sixième principe : sixième section

À quel moment s'appliquent les règles précédentes ? Lorsqu'au moment où il s'est assis parmi eux, ils n'étaient pas en train de proférer des paroles interdites, si bien qu'il ne pensait pas avoir à s'éloigner d'eux. Mais si, au moment où il a voulu s'attabler avec eux, ils avaient déjà commencé à parler de cette manière, et si, bien qu'il lui eût été possible de s'éloigner, il ne s'est pas empressé de le faire, ou encore s'il connaissait ces personnes comme coutumières de la médisance, des gens dont le plaisir consiste à parler d'autrui de manière malveillante, et il ira pourtant s'asseoir avec eux, alors, même s'il ne prend aucune part à leur conversation et se sent mal à l'aise avec eux, il est appelé tout de même un poshéa (un fauteur) comme eux. Puisqu'il a transgressé les paroles de nos Sages de mémoire bénie, qui nous ont enjoints de nous tenir éloignés des paroles inconvenantes.

À bien plus forte raison si son intention est d'écouter leurs propos ! Sa faute est « trop lourde à porter », et pour cela, il sera inscrit en-haut dans le livre du souvenir comme un rash'a (un impie), et un « diseur de médisances », comme on l'apprend dans les Pilkéi déRabbi Éliézer haGadol qui enseigna à son fils Hyrcanus (ou Hyrcan) : « Mon fils, ne t'assieds pas en compagnie de ceux qui disent du mal de leur prochain, parce que lorsque leurs paroles arrivent en-haut, elles sont inscrites sur un livre, et tous ceux qui étaient présents sont appelés [membres] d'une ''assemblée de méchants.'' » (9)

Par conséquent, un homme doit se tenir à grande distance d'une mauvaise compagnie comme celle-là.

Sixième principe : septième section

Sache que de même que nous avons écrit au nom des poskim que selon la Torah, il est interdit d'ajouter foi à des paroles malveillantes qu'on prononce au sujet du prochain, le Din exige que même si l'on sait que ce qui est dit est vrai, mais que le jugement pourrait pencher dans un sens ou dans un autre, et que celui qui parle ainsi juge négativement [la personne dont il parle] et la dénigre, il reste que c'est pour l'auditeur une mitsva de la juger selon le mérite (lékaf zekhout)10 - C'est là une loi dans la Guémara (11), et d'après plusieurs poskim un commandement positif de la Torah. Si quelqu'un passe outre, et ne juge pas son prochain lékaf zekhout, il transgresse non seulement « Juge ton semblable avec justesse » (Wayiqra - Lévitique 19,15), mais il est également appelé « méqabel lashone har'a », celui qui accepte et ajoute foi à des paroles de médisance, puisque du fait qu'il n'a pas jugé son prochain avec indulgence, il en est venu à croire des paroles malveillantes !


Mis en ligne le 10 Elloul 5782 (6 septembre 2022)







1 En hébreu moderne, le mot signifie une cheville, un pieu, ou un piquet. Le Rabbinat traduit par « bêchette ». Pour la traduction de notre Guémara, on a retenu le sens de « cheville ».

2 Dévarim - Deutéronome 23,14


3 Rashi traduit par « ton armement »


4 « Davar shééno hagoun » (de הגון : droit, honnête, intègre) c'est-à-dire des paroles vaines, grossières et bien sûr des paroles de lashone har'a.




5 « Ancienne mesure de longueur correspondant à l'intervalle compris entre l'extrémité du pouce et celle du petit doigt dans leur plus grand écart. » (Trésor de la langue française)






6 Celui qui souffre de la « tsara'at », une affection cutanée dont la cause est le lashone har'a.










7 « דְּבָרִים בְּטֵלִים », des paroles inutiles et/ou nuisibles.


8 https://www.sefaria.org/Ketubot.5a?lang=bi








































9 Enseignement déjà cité à propos du quatrième commandement négatif (Lifné 'iver lo titen mikhshol).

10 Voir Commandement positif n°3 : « Juge ton prochain avec justesse » (Wayiqra - Lévitique 19,15). Rashi donne deux pshatim : « Tu jugeras ton semblable avec justesse : À prendre au sens littéral. Autre explication : Juge ton semblable en lui accordant un préjugé indulgent (Sanhédrin 32a). » cité plusieurs fois





11 Shevouot 30a

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