Quatrième principe (3)
L'interdiction du lashone har'a ; Quatrième principe : Sixième section
Il me semble aussi que si cet homme a l'habitude de reproduire ce genre de comportement, même si son Rav n'est pas une personne très discrète, de sorte que sa faute sera [bientôt] de notoriété publique, mais que les paroles de remontrance [du Rav] seront acceptées par le fauteur, qui renoncera à ses transgressions, il se peut qu'il soit permis de révéler la chose au Rav, puisque l'intention est de lui venir en aide et non de le dénigrer.
Nous pouvons revenir à présent à notre point précédent, à savoir que même si deux personnes l'ont vu au moment [où il commettait] la faute, et qu'il s'agit d'un homme qui tend à retourner constamment à de tels comportements, il n'est permis de révéler la chose qu'aux juges de la ville et non à [qui que ce soit] d'autre. En réalité, on ne l'a vu commettre cette faute qu'une seule fois. Il se peut donc que son yetser l'ait submergé, que par la suite il se soit repenti, et qu'il se soit tourmenté dans l'amertume de son cœur, de sorte qu'il n'est pas encore exclu de la catégorie de « עֲמִיתֶךָ - ton prochain ». (1)
L'interdiction du lashone har'a ; Quatrième principe : Septième section
Tous les dinim (2) exposés ici s'appliquent seulement à une personne qui est encline à regretter ses fautes. Mais si l'on a pu observer sa manière d'agir, et si l'on a vu que la crainte de D.ieu ne l'habite pas (3), qu'il persiste constamment dans une mauvaise voie, comme celui qui se débarrasse du joug céleste (4), ou qui néglige une chose dont tout le monde sait qu'elle est interdite, et que la faute qu'on se dispose à révéler a été commise délibérément à de nombreuses reprises, ou encore qu'il transgresse volontairement un interdit différent, connu de tous, et qu'il apparaît que s'il a fauté contre la Parole divine, ce n'est pas du fait que son penchant au mal l'aurait emporté sur lui, mais que c'est ainsi que son cœur trouve bon d'agir, et qu'il n'y a pas en lui de crainte du Ciel, alors il est permis de le stigmatiser et de parler de lui de manière négative, tant devant lui qu'en son absence.
Et s'il fait quelque chose qui peut être jugé positivement (« lékaf zekhout ») ou négativement, on doit le juger dans le sens de la culpabilité, puisqu'il s'est montré malfaisant dans d'autres cas.
C'est ce qu'ont dit nos Rabbins : « Et vous ne léserez pas, un homme son semblable (5) - Une personne qui est « avec toi » ('amito - de son peuple - décomposé en « 'im ito », avec toi) dans la Torah et les mitswot, ne lui cause pas de tort par des paroles » (6) Si quelqu'un ne tourne pas son cœur en direction de la Parole divine, il est permis de le stigmatiser pour ses actes, de faire connaître ses abominations, et de l'accabler de mépris. [Les Sages] ont encore enseigné : « Les flatteurs sont dénoncés à cause de la profanation du Nom [dont ils sont la cause] » (7).
Davantage encore s'il a été réprimandé pour sa transgression et n'y a pas renoncé, il est permis de révéler sa faute « sur la voie publique » et de l'accabler de mépris, jusqu'à ce qu'il revienne au bien, comme l'a écrit le Rambam.(8)
Néanmoins, il est important de prendre les conséquences possibles en considération, comme je l'ai écrit dans Be'er Mayim Ḥayim.
L'interdiction du lashone har'a ; Quatrième principe : Huitième section
Lorsqu'un Beth-Din donne à un homme une instruction qui concerne une mitswa positive, dans la catégorie de « ben adam laMaqom » ou de « ben adam léḥavéro » (9), et qu'il refuse absolument de s'y conformer, sans donner la moindre justification à son refus, il est permis de parler de lui de façon négative, et même d'inscrire sa rébellion dans un registre, afin qu'elle soit connue de toutes les générations. S'il tente d'excuser son comportement, voici le din qu'on lui appliquera : si l'on comprend qu'il ne dit [certainement] pas la vérité, mais cherche simplement à se débarrasser [de ses juges], on n'est pas tenu de le croire ; on peut le dénigrer, et même enregistrer sa faute comme on vient de l'expliquer.
Mais si l'on a le moindre doute, il est interdit de prononcer des paroles négatives à son sujet.
L'interdiction du lashone har'a ; Quatrième principe : Neuvième section
Revenons à ce que nous avons dit au commencement. De ce que nous avons écrit (sections 3 et 4) on apprend qu'il est interdit de dénigrer son prochain et de parler de ses mauvais traits de caractère, comme lorsqu'on le voit faire preuve d'orgueil, ou se mettre en colère de manière excessive, ou montrer d'autres midot détestables, qui sont absolument dégradantes. Bien qu'il soit vrai [qu'il ait agi de cette façon], qui sait s'il ne s'est pas repenti des ces mauvaises midot dans l'amertume de son cœur ? Et même si on a vu qu'il a pris l'habitude de ces mauvais comportements, et qu'il ne semble pas éprouver d'amertume à leur sujet, il est interdit de le réprimander, car il n'est peut-être pas conscient de la gravité de l'interdit. En vérité, on voit cela clairement chez de nombreuses personnes, y compris des ba'aléi Torah (10), qui ne considèrent pas ces attitudes comme relevant d'un grave interdit (alors que c'est bien ainsi que le voient ceux qui les étudient dans l'Écriture et dans les paroles de nos Sages de mémoire bénie), mais seulement comme quelque chose de pas tout-à-fait correct. Peut-être ce fauteur adopte-t-il ce point de vue, et s'il connaissait la gravité de l'interdiction, il résisterait de toutes ses forces à la transgression, [ainsi que l'enseigne la Guémara :] « S'il était ignorant [shoguèg] de la peine de Kareth [retranchement, qu'il encourt] (11) (C'est-à-dire qu'il ignorait que la transgression commise est passible de la peine de Kareth, mais qu'il a transgressé volontairement un commandement négatif de la Torah, il est [tout de même] appelé Shoguèg - fauteur involontaire - en cela qu'il ne mesurait pas toute la portée de son acte.) » (12) Au contraire, si l'on voit qu'il est coutumier de l'un de ces mauvais comportements, il faut l'admonester et lui faire ressentir la gravité de l'interdit. En agissant ainsi, on accomplira le commandement positif : « Réprimander, tu réprimanderas ton prochain. » (13) Il est possible qu'il admette avoir mal agi, et qu'au moment de l'acte, il ait pensé agir pour le bien ainsi qu'il est écrit : « Aux yeux de l'homme, toutes ses voies paraissent droites. » (14) Il est donc interdit de le considérer comme un impie, et d'aller parler de lui de manière malveillante.

Mis en ligne le 24 Iyar 5782 (25 mai 2022)
1 Wayiqra - Lévitique 19,17.
2 Pluriel de Din (voir le début du second principe). Les dinim sont les instructions afférant à l'accomplissement d'une mitsva particulière, ou du rituel d'une célébration. On parlera des dinim de Shabbat, ou des dinim du Séder de Pessaḥ par exemple.
3 Littéralement : « n'est pas devant ses yeux. »
4 C'est-à-dire qui refuse explicitement de se soumettre aux commandements divins tels que la Torah nous les enseigne, et dont il pense qu'ils ne le concernent pas.
5 Wayiqra - Lévitique 25,17, « וְלֹא תוֹנוּ אִישׁ אֶת-עֲמִיתוֹ », que Rashi commente ainsi : « Il s'agit ici de l'interdiction de la onaa (dommage, tort causé à autrui) par des paroles : on ne doit pas irriter son prochain, ni lui faire une recommandation qui ne serait pas de son intérêt mais de celui du conseilleur. Peut-être objecteras-tu : Qui peut savoir si l'intention était mauvaise ? D'où la précision : « tu auras la crainte de ton Éloqim » - Celui qui connaît les pensées sait, Lui. Toutes les fois qu'une attitude est du ressort exclusif du cœur, et que seul la connaît Celui qui l'a conçue, il est précisé : « tu auras la crainte de ton Éloqim ».
6 Baba Metzia 59a.
7 Yoma 86b.
8 Hilkhot Deot 5
9 « Entre l'homme et l'Omniprésent » et « entre l'homme et son prochain » ; voir principe 3, section 7. et note.
10 Des personnes qui connaissent et respectent la Torah.
11 Shabbat 69a sur Wayiqra - Lévitique 4,27 : « וְאִם-נֶפֶשׁ אַחַת תֶּחֱטָא בִשְׁגָגָה, מֵעַם הָאָרֶץ: בַּעֲשֹׂתָהּ אַחַת מִמִּצְוֹת ה׳, אֲשֶׁר לֹא-תֵעָשֶׂינָה-וְאָשֵׁם - Si un individu d'entre le peuple pèche par inadvertance, en faisant une des choses que HaShem défend de faire, et se trouve ainsi en faute ; »
12 En vérité, il y a une controverse (maḥloqet) dans la Guémara entre Rabbi Yoḥanan et Resh Laqish. Pour le premier, s'il a agi volontairement mais ignorait la peine encourue (karet - retranchement), il est considéré comme shoguèg (pécheur involontaire et redevable d'un expiatoire - ḥatat). Pour le second, il faut qu'il ait ignoré à la fois qu'il transgressait un interdit de la Torah et la peine qu'il encourait.
13 Wayiqra - Lévitique 19,17.
14 Mishléi - Proverbes 21,2 : « כָּל-דֶּרֶךְ-אִישׁ, יָשָׁר בְּעֵינָיו »