Parashat Dévarim (2)

Entrez votre texte ici...

Nos Sages de mémoire bénie ont appelé le Sefer Devarim « Mishné Torah », répétition de la Torah. Il est une sorte de résumé des quatre livres précédents.

Le Rav Shimshon Raphaël Hirsch pose cependant une question toute simple : qu'est-ce que Moshé Rabbénou répète précisément ?

Il est clair que ce dernier livre n'évoque pas tous les sujets traités auparavant. Une centaine de lois y sont mentionnées, et soixante-dix d'entre elles apparaissent pour la première fois !

C'est en observant le traitement des fêtes que le Rav Hirsch aperçoit un premier schéma : Shabbat, Rosh Hashanah, Yom Kippour et Shemini Atzeret n'apparaissent pas. Ces jours ont pour objet une relation individuelle avec Hashem, indépendamment de tout contexte local. Leur observance, une fois le peuple arrivé en terre d'Israël, ne sera pas essentiellement différente de ce qu'elle était dans le désert.

Inversement, Devarim nous parle de Pessa'h, Shavouot et Souccot, dont la célébration va se trouver profondément transformée par l'installation dans le pays. Ces fêtes sont liées aux cycles agricoles, et comprennent les nombreuses Mitsvot du pèlerinage à Jérusalem, du Qorban Pessa'h, des Bikkurim, de l'offrande du 'Omer...

On voit donc que ce dernier livre se donne pour but de préparer les Bnei Yisrael aux changements existentiels qui accompagneront l'entrée dans le pays promis à nos Pères.

Selon le Rav Hirsch, de nombreuses mentions et omissions suivent ce même modèle.

Devarim contient un nombre inhabituel d'avertissements concernant la 'Avodah Zara. Ce qui restait relativement théorique dans les années du désert (malgré certains errements) devient à présent crucial, au moment où les Juifs vont inévitablement entrer en contact avec des idolâtres et leurs pratiques.

Les questions de l'organisation communautaire, du leadership et de l'exercice du pouvoir deviennent des préoccupations vitales. Devarim traite de tous ces sujets, y compris ceux qu'on aurait pu considérer comme secondaires, tels que les faux prophètes, les anciens qui se rebellent, et la justesse des poids et mesures.

Faire la guerre va devenir un fait régulier et relativement fréquent. Les halakhot sur la conduite de la guerre devaient donc figurer.

Avec la distance inévitable entre les Juifs et le Mishqan, la consommation de la viande allait changer de nature. Les offrandes au Mishqan ne pourraient plus constituer la source principale de viande. Les lois de la She'hita (l'abbatage rituel) devaient donc être enseignées.

Les structures sociales allaient connaître des changements radicaux.

Dans le désert, des miracles dévoilés, comme la Manne ou le puits pourvoyaient aux besoins matériels du Peuple. Les différences de classe étaient peu perceptibles. Une fois dans le pays, alors que chacun allait se mettre en quête de moyens de subvenir aux besoins de sa famille, certains réussiraient forcément mieux que d'autres. Des institutions comme la Tsedaqa, la Shemita, les droits des salariés s'avéreront nécessaires. La propriété, et notamment la propriété des terres agricoles, allait prendre une immense importance (comme le montre la place qui leur est faite dans tout le Talmud).

D'un autre point de vue, certaines lois sociales qui étaient déjà importantes étaient vouées à prendre une nouvelle dimension. Ainsi le Mariage et le divorce ne seraient plus seulement le moyen de maintenir des familles dans la Qédousha, mais répondraient désormais également à des considérations économiques, et devaient être réexaminées à ce titre.

En bref, Devarim prépare cette nouvelle génération élevée au désert, aux changements drastiques de style de vie qui les attendent. Il ne s'agit donc certainement pas d'un mélange aléatoire de sujets divers. En fait, le texte est d'une précision chirurgicale, centré sur les seules questions qui exigent un traitement particulier.

Ce n'est pas le contenu même du Sefer Devarim qui mérite le nom de « Mishné Torah ». Comme on l'a indiqué, la majorité des lois qui s'y trouvent apparaissent pour la première fois ! Devarim constitue donc une partie de la révision générale que Moshé Rabbénou fait de son enseignement. HaQadosh Baroukh Hou a préservé une partie de ce grand panorama du message de Moshé, essentiellement les parties nouvelles, en tant que texte écrit du Sefer Devarim. Ce texte n'est par conséquent qu'une petite partie de ce que Moshé a enseigné quotidiennement pendant les dernières semaines de sa vie.

Les onze premiers chapitres forment une sorte d'introduction à la révision finale. Moshé Rabbénou revisite les concepts essentiels de la relation de l'homme avec D.ieu et avec Sa Torah. Les événements des quarante années précédentes sont des occasions d'apprentissages, pour renforcer les grandes vérités qu'il leur a enseignées.

À cet égard, le Rav Yits'haq Adlerstein enseigne que si la Torah consacre tant de détails à ces enseignements, c'est que leur utilité n'est jamais épuisée. Ils ne parlent pas seulement aux Hébreux prêts à entrer en Terre d'Israël, mais à tous les Juifs qui doivent se souvenir périodiquement des éléments essentiels qui fondent leur Service de D.ieu.

Moshé évoque ainsi de nombreux sujets cruciaux : la crainte et l'amour de Hashem, la Deveqout (l'attachement à D.ieu), l'unicité de D.ieu. La Mitzvah centrale de l'étude de la Torah, comme apprentissage personnel et comme obligation d'enseigner aux enfants, fait l'objet d'une mention particulière. Il en va de même du caractère immuable de la Torah, sous la forme de l'interdiction d'y ajouter ou d'en supprimer fût-ce une lettre.

Et bien que Moshé s'adressât, comme on l'a vu, à la génération qui va entrer en Eretz, il nous fournit aussi une panoplie de mitzvot (Shéma, Tefillin, mézouzah, Bircat hamazone) qui nous accompagnent jusqu'à ce jour, quel que soit l'endroit où la Providence divine nous a fait vivre, et nous protègent des influences pernicieuses auxquelles nous sommes soumis dans notre exil, que D.ieu y mette fin sans souffrance, bientôt et de nos jours !