Parashat Dévarim (1)
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Le Sefer Dévarim
commence par l'adresse solennelle délivrée par Moshé Rabbénou aux
Bnéi Yisrael, alors qu'il était sur le point de rejoindre le Monde
de Vérité.
Moshé, enseigne Rabbi Ya'aqov Horowitz (fondateur de la Yéshivah Darkhei Noam, à Monsey), marche dans les pas de Ya'aqov Avinou, qui, au moment de quitter ce monde, admonesta ses fils pour leurs manquements. Il évoque avec précision, mais souvent dans un langage codé, les fautes commises par les Hébreux dans le désert.
Rashi, citant le Sifri, commente : « Il ne leur a adressé des remontrances qu'à l'approche de sa mort. Et de qui a-t-il appris [qu'il fallait agir ainsi] ? De Ya'aqov, qui n'a adressé des remontrances à ses fils qu'à l'approche de sa mort. [...] Il existe quatre raisons de n'adresser des reproches aux gens qu'à l'approche de sa mort : Pour n'avoir pas, après avoir blâmé, à devoir blâmer encore ; pour que celui que l'on a blâmé, rencontrant [l'auteur du blâme], n'ait pas honte [...] Il en a été de même pour Yehochou'a qui n'a adressé des remontrances à Israël qu'à l'approche de sa mort (Yehochou'a 24, 1 et suivants), de même pour Chemouel (I Chemouel 12, 3), de même pour David en ce qui concerne son fils Chelomo (I Melakhim 2, 1-9). »
La Torah rapporte que Moshé a commencé à expliquer la Torah « bé'ever haYarden - En deçà du Jourdain », après avoir infligé une défaite à Si'hon le Émori, et à 'Og, roi de Bashan (Dévarim 1,4). Rashi explique : « béer et haTorah : Béshiv'im lashone pérshah lahèm - Il la leur a commentée en soixante-dix langues. »
Le Siftéi 'Hakhamim explique que la pensée de Rashi sur ce verset se prolonge dans son commentaire sur Ki Tavo (Dévarim 27,8) : « Et tu écriras sur les pierres tout le contenu de cette Torah, très distinctement.- béer héitev. » Laconique, Rashi cite Sota 32a : « En soixante-dix langues. », c'est-à-dire métaphoriquement dans toutes les langues humaines, dans lesquelles les Juifs devront mettre au jour le sens du Texte (comme Rashi lui-même le fait constamment dans ses gloses en français médiéval).
Rabbi Horowitz suggère qu'une autre raison sous-tend l'affirmation de Rashi que le terme « béer » doit être compris comme « traduit en soixante-dix langues ». On ne peut soutenir que Moshé n'aurait pas expliqué expliqué la Torah aux Bnéi Yisrael dans tous ses détails pendant les quarante années du séjour au désert. Il est certain au contraire qu'il ne négligea aucune occasion d'enseigner les leçons éternelles de notre Sainte Torah. C'est pourquoi le mot « béer » doit avoir une autre signification : celle de la traduction en de nombreuses langues !
Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi Moshé a-t-il attendu ce moment pour prescrire la traduction en soixante-dix langues ?
Le Pninim Yekarim (Rabbi Shimon Betzalel Neuman,1860-1942) convoque le premier Rashi de la Torah (Béréshit 1,1) pour éclairer cette question. Ce commentaire connu de tous explique pourquoi la Torah, essentiellement un livre de lois, ne commence pas par « ha'Hodesh hazé - ce mois [sera pour vous le premier des mois] », la première halakha de la Torah, mais par le récit de la Création.
C'est que précisément, le monde et l'homme ont été créés par HaShem, que la terre Lui appartient, et qu'Il la donne à qui bon Lui semble.
Lorsque les Hébreux, sous la conduite de Yéhoshoua, entreprendront la conquête de la terre d'Israël, et en chasseront les sept nations qui l'occupent, ils feront donc valoir un droit légitime, puisque proclamé à l'origine même de la Révélation.
Il est donc logique que Moshé s'attelle à la traduction de la Torah dans toutes les langues, au moment où les nations « d'en-deçà du Jourdain » ont été vaincues, de sorte que chacun comprenne, dans sa langue maternelle, que la possession de la terre d'Israël est nôtre par droit d'héritage, selon la Loi divine.
Le Sfat Emeth propose un autre angle de vue. Si Moshé a traduit la Torah alors que sa fin approchait, c'est qu'il voulait préparer les générations à venir à se familiariser avec toutes les langues qu'ils allaient devoir pratiquer. La Torah devra être étudiée dans les langues avec lesquelles les Juifs seront le plus à l'aise !
Le Ketav Sofer (1815-1871, le fils du 'Hatam Sofer) va dans le même sens : Moshé voulait affirmer le caractère éternel du message de la Torah. En la traduisant en soixante-dix langues, il leur enseignait que les mitsvot de la Torah ne sont pas réservées à la génération du désert, alors que les Juifs faisaient l'expérience quotidienne autant que sublime d'une Présence divine permanente, dans un épanchement continu de miracles ! Moshé préparait les Hébreux à une autre expérience, plus éprouvante : celle de la dispersion parmi les nations, qui sont également au nombre de soixante-dix.
Moshé Rabbénou, à jamais notre plus grand Maître, mit à profit les derniers jours de sa vie pour faire connaître des enseignements puissants et intemporels. Avec amour et fermeté, il formula des remontrances à ses enfants. Il les exhorta à améliorer leurs voies. Il les invita à s'élever toujours plus haut, et à se garder des plaintes et des vaines réclamations dans lesquelles ils s'étaient parfois complu dans le désert.
C'est ainsi qu'il aplanit la voie pour toutes les générations qui suivirent celle qui avait eu le mérite de recevoir l'enseignement de la Torah directement de sa bouche.
Il leur expliqua, et il nous explique que quelle que soit la langue utilisée, les leçons de la Torah sont éternelles !
