Neuvième principe (1)
L'interdiction du lashone har'a ; neuvième principe :
Remarques préliminaires :
Dans ce chapitre, on expliquera [la notion de] avaq lashone har'a (אֲבַק לָשׁוֹן הָרָע - poussière de lashone har'a) dans tous ses détails. Il comporte dix sections.
Neuvième principe : première section
Certaines choses sont interdites au tire de avaq lashone har'a, « poussière de lashone har'a ».
Par exemple, si quelqu'un dit : « Qui aurait pensé que untel deviendrait ce qu'il est à présent ? », ou bien : « Ne parle pas au sujet d'untel. Je ne veux pas parler de ce qui s'est passé, ni de ce qui va se passer », ou des choses de ce genre.
Un autre exemple de poussière de lashone har'a, c'est le fait de faire l'éloge d'une personne en présence des ennemis [de cette personne]. Ces paroles les conduiront certainement en fin de compte à la dénigrer. Il est également interdit de prolonger abondamment des paroles d'éloge, même si ce n'est pas en présence de ses ennemis, parce que chemin faisant, il en viendra en fin de compte à le dénigrer en disant : « à l'exception de ce mauvais trait de caractère qu'il a. » Ou bien, ceux qui l'écoutent diront : « Pourquoi parles-tu de lui de manière si élogieuse ? Est-ce qu'il n'a pas aussi tel ou tel défaut ? »
Neuvième principe : deuxième section
[les règles précédentes s'appliquent] s'il ne fait pas son éloge en public. Mais publiquement, c'est interdit dans tous les cas. Car dans une assemblée nombreuses, on trouvera certainement des « droitistes » et des « gauchistes », ou bien des envieux, et du fait de son éloge, ils en viendront à parler de lui de manière malveillante.
Mais si l'on entend faire l'éloge d'un homme qui est reconnu par tous comme un Tsaddiq, tout à fait irréprochable, en qui on ne peut trouver ni mal, ni faute, on pourra le faire, même devant un ennemi ou un envieux, car ils ne seront pas en mesure de médire de lui. S'ils le font malgré tout, tous sauront qu'ils ont parlé de manière mensongère.
Neuvième principe : troisième section
On doit également prendre garde à ce que l'éloge de son prochain ne devienne pas pour lui une cause de dommage. Lorsqu'un invité se rend sur la place du marché, et décrit à qui veut l'entendre la manière fastueuse dont il a été accueilli, et la nourriture, et les boissons, et toute la peine qu'on s'est donné pour le recevoir. À cause de cela, des gens de peu s'assembleront pour fondre sur cet hôte et dévorer ses biens. D'une telle personne il est écrit : « Qui bénit son prochain de grand matin d'une voix forte, c'est comme s'il lui disait des injures ! » (1)
On peut déduire de cela que la même chose est vraie de celui qui a reçu un prêt de son prochain, et qui va partout répandre le bruit de sa grande générosité. En conséquence [de ces paroles « bien intentionnées »] des gens peu honorables vont le solliciter, et il lui sera difficile de s'en débarrasser. On doit donc prendre garde à sa bouche et à sa langue, pour ne pas prêter le flanc au soupçon d'être celui qui profère des paroles de lashone har'a, car ce soupçon même se rapporte à la notion « poussière de lashone har'a » (2).
Neuvième principe : quatrième section
Il est défendu de vivre dans un quartier [habité par] des « hommes de la médisance » (ba'alei jashone har'a). Il est d'autant plus interdit de s'asseoir à leur table et d'écouter leurs paroles, en tendant l'oreille pour [mieux] entendre, même si l'on n'a pas l'intention d'accepter ce qu'ils disent (3). Si [un maître] sait qu'un de ses étudiants est l'un de ces médisants, il doit s'en tenir éloigné, s'il sait que la réprimande n'aura pas d'effet [sur lui] (4).
Si par malheur il se fait « surprendre » en compagnie de ces ba'alei jashone har'a, qu'il les a entendus médire [de leur prochain], et qu'il estime qu'une remontrance aura pour effet de faire cesser ces paroles, il doit certainement les réprimander selon la loi de la Torah. Même s'il pense que sa remontrance n'aura pas d'effet, mais qu'il n'aggravera pas les choses en la faisant, là aussi, il n'a pas le droit de rester silencieux, de crainte que [ces gens] pensent qu'il est comme eux, et qu'il approuve ce qu'ils disent. Plus encore, il doit répondre et réfuter [les accusations qui s'en prennent] à l'honneur de l'homme innocent ou du Tsaddiq qu'ils ont dénigré ! C'est une des raisons pour lesquelles on doit quitter la compagnie de personnes malfaisantes, de crainte d'être puni pour les avoir écoutées, et s'être abstenu de les réprimander.

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1 Mishlei - Proverbes 27,14 : « מְבָרֵךְ רֵעֵהוּ, בְּקוֹל גָּדוֹל--בַּבֹּקֶר הַשְׁכֵּים: קְלָלָה, תֵּחָשֶׁב לוֹ »
2 C'est une dimension intéressante, sur laquelle le Ḥafets Ḥayim ne s'étend pas : le fait même qu'on soupçonne que la parole qu'une personne profère est peut-être malveillante fait entrer de facto cette parole dans la catégorie de avaq lashone har'a (si j'ai bien compris.)
3 Voir 4,2.
4 Dans le cas contraire, il est évident qu'il a en premier lieu le devoir de le réprimander, comme on l'a vu plus haut, et ci dessous.)
