Huitième principe (2)

« Droites sont les voies de HaShem, les justes y marchent ferme, les fauteurs y trébuchent. » (Hoshé'a - Osée 14,10) 

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Huitième principe : quatrième section

Sache que l'interdiction du lashone har'a s'applique même à un ignorant (1). Lui aussi fait partie du peuple de HaShem et de Ses milices, qu'Il a sortis de l'Égypte.

La faute est d'autant plus grave si l'on profère des paroles de lashone har'a à l'encontre d'un Talmid Ḥakham ! Ḥazal ont dit à ce sujet : « Tous ceux qui parlent [de manière malveillante] devant la dépouille d'un Talmid Ḥakham tombent dans le Guéhinom ! » (2) On en viendra après cela à faire honte à un Talmid Ḥakham [vivant], et la gravité du châtiment pour cela est connue (3), De sorte que faire honte à un Talmid Ḥakham s'apparente à [ce qui est dit dans le verset] : « Car il a méprisé la parole de HaShem, il a violé Sa loi, retrancher elle sera retranchée cette personne : sa faute est en elle » (4)

Mais l'inclination au mal parvient à convaincre l'homme que la loi [qui interdit] de faire honte à un Talmid Ḥakham ne s'appliquait qu'à l'époque de la Guémara, lorsque leur Sagesse était exceptionnelle, mais pas à ceux de notre temps. C'est une grave erreur ! Car la qualification « d'érudit de la Torah » est relative à la génération. Même dans notre génération, s'il est simplement capable d'enseigner, et s'il peine dans [l'étude de] la Torah, il est appelé un érudit de la Torah. Si quelqu'un l'humilie, même avec des généralités, même si ce n'est pas devant lui, il a commis une faute grave, qui peut être sanctionnée par une excommunication (נִדּוּי - nidouï) (5). Plus grave encore [est la faute] de celui qui lui fait honte si cet érudit est le possek (décisionnaire) de la ville. Non seulement on doit le considérer comme un Sage et lui faire honneur, puisqu'on s'appuie sur ses décisions halakhiques, mais encore lorsqu'on parle de lui de manière malveillante, on éloigne les gens du Service de HaShem ! À cause de ces paroles de lashone har'a, les gens diront : « Pourquoi devrions-nous le consulter pour décider de nos divergences en matière de Torah, s'il n'est pas capable de régler nos différents ? » Et il s'ensuivra que les gens bâtiront « un haut-lieu (6) lui-même » (et d'autres abjections, trop nombreuses pour les citer, puisse HaShem nous en protéger!)

Huitième principe : cinquième section

L'interdit du lashone har'a, dans toutes ses dimensions, ne s'applique que lorsqu'on parle de celui qui appartient à la catégorie de « ton prochain » (amitékha), « le peuple qui est avec toi » dans la Torah et les mitsvot (7). Mais quant aux personnes qui adhèrent à « l'apikorsout » (8), c'est une mitsva de les dénigrer et de leur faire honte, en leur absence aussi bien qu'en leur présence, en tout ce qu'on voit ou qu'on entend d'eux. Il est écrit en effet : « Et vous ne léserez pas un homme son semblable (עֲמִיתוֹ), [tu auras la crainte de ton Éloqim] » (9) et aussi : « Tu n'iras pas colportant dans tes peuples (בְּעַמֶּיךָ) » (10). Ils n'appartiennent pas à cette catégorie, parce qu'ils n'agissent pas comme « ton peuple ». Il est écrit : « Je déteste ceux qui Te haïssent, j'ai en horreur ceux qui se dressent contre Toi. » (11)

Or celui qui nie la Torah et la prophétie d'Israël, la Torah orale aussi bien que la Torah écrite, est appelé un apikoros (un hérétique), même s'il affirme que toute la Torah vient du Ciel à l'exception d'un verset, ou d'un seul « qal va'homer - קַל וָחֹמֶר » (raisonnement a fortiori), ou d'une seule « gzéra shavah (12) - גְּזֵרָה שָׁוָה » (identité de termes), ou d'un dikdouk (déduction philologique).

Huitième principe : sixième section

Ce qu'on vient de voir ne s'applique que lorsqu'il a lui-même entendu d'eux des paroles hérétiques. Si d'autres lui en ont parlé, il est interdit de s'en prévaloir pour les dénigrer, qu'ils soient présents ou non. Il ne doit pas ajouter foi à de tels propos, comme on l'a vu au sujet de l'acceptation du lashone har'a (13). Mais il peut se montrer prudent, en attendant que la question soit éclaircie, et soupçonner [que la chose soit vraie], et aussi mettre secrètement en garde des tiers à leur sujet, de sorte qu'ils se tiennent à distance. Tout ceci s'applique en général à la réception [de paroles de lashone har'a], mais si [les personnes en question] sont connues dans la ville pour être des hérétiques, on doit considérer qu'on a soi-même [entendu ces paroles hérétiques].

Huitième principe : septième section

Sache aussi que si une personne est connue dans la ville comme un être malfaisant (rash'a), du fait d'autres transgressions pour lesquelles il est permis de le critiquer, la règle est la même. De quel [genre de personne] s'agit-il ? Quelqu'un dont les citoyens de la ville sont d'accord pour dire qu'il est sans le moindre doute un rash'a (c'est-à-dire qu'on a des rapports fiables disant qu'il transgresse des interdits connus de tout Israël). Mais s'il s'agit d'une vague rumeur entendue à son sujet, il est interdit de s'en prévaloir pour le dénigrer, D.ieu nous en préserve ! Y ajouter foi en son for intérieur est également interdit, comme on l'a vu (14).

J'ai éprouvé une grande crainte en explicitant ce [héter (15)] à cause des calomniateurs (בַּעֲלֵי הַלָּשׁוֹן) qui, à peine ont-ils entendu la trace d'une faute au sujet d'une personne, se précipitent pour l'étiqueter comme infâme, et se servir de mon livre pour justifier leurs paroles malveillantes. Malgré cela, je n'ai pas voulu m'abstenir de le mentionner, comme Ḥazal l'ont dit au sujet de Rabban Yoḥanan ben Zakkaï (16).


Ci-contre une petite fille souriante, Tchécoslovaquie, circa 1935 

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Mis en ligne le 15 Ḥeshvan 5783 (8 novembre 2022)

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1 « עַם הָאָרֶץ -'am haarets », littéralement « le peuple du pays ». Dans le Talmud, le terme désigne des personnes à qui l'on ne peut se fier pour l'accomplissement de certaines mitsvot (comme le prélèvement des dîmes sur les récoltes), car ils ne connaissent pas parfaitement la Halakha. De nos jours, l'expression désigne un Juif ignorant.

2 Berakhot 19a.

3 Sanhedrin 99b : « Rav et Rabbi Ḥanina disent tous deux que celui qui traite un Talmid Ḥakham avec mépris [n'a pas part au Monde à venir]. Rabbi Yoḥanan et Rabbi Yéhoshou'a ben Lévi disent : c'est celui qui traite son prochain avec mépris devant un Talmid Ḥakham. ». Voir aussi Yoreh Deah 243:6 : «עון גדול הוא לבזות תלמידי חכמים או לשנאותן וכל המבזה את החכמים אין לו חלק לעולם הבא - C'est une faute grave de mépriser les Talmidéi Ḥakhamim car celui qui méprise les Sages n'a pas de part au Monde à venir. »

4 Bamidbar - Nombres 15,31 : « כִּי דְבַר-יְהוָה בָּזָה, וְאֶת-מִצְוָתוֹ הֵפַר; הִכָּרֵת תִּכָּרֵת הַנֶּפֶשׁ הַהִוא, עֲו‍ֹנָה בָהּ. » que Rashi commente ainsi « Sa faute est en elle ('avon bah) : Aussi longtemps que [la personne] conserve sa culpabilité et qu'elle ne s'est pas repentie (Sanhédrin 90b). »

5 Yoreh Deah 243:7





6 « Bama » (pluriel : « bamot »), les hauts-lieux sur lesquels les païens offraient des sacrifices à leurs divinités (et les Juifs aussi, jusqu'à la construction du premier Temple, après quoi ils furent interdits.) Métaphoriquement, le terme désigne le fait de se construire sa propre religion dans son coin, dans sa petite « bama » personnelle.


7 C'est-à-dire celui qui est, comme toi, se soumet aux obligations de la Torah et des mitsvot.

8 Le terme sera défini à la fin de la section.

9 Wayiqra - Lévitique 25,17.

10 Ibid. 19,16, souvent cité, et le fondement de l'interdiction du lashone har'a dans la Torah. Ici, l'angle retenu est que ces interdictions s'appliquent à ceux qui sont « ton peuple », mais non à ceux qui s'en sont désolidarisés en quelque sorte. Les paroles négatives seraient donc permises à leur encontre.

11 Tehillim - Psaumes 139,21 : « הֲלוֹא-מְשַׂנְאֶיךָ יְהוָה אֶשְׂנָא; וּבִתְקוֹמְמֶיךָ, אֶתְקוֹטָט » D'autres traductions sont possibles, qui ne changent pas le sens du verset : il y a lieu de mépriser et même de haïr ceux qui méprisent et haïssent le Créateur. Un verset qui demande naturellement une réflexion approfondie, tant il semble contredire de nombreux principes énoncés jusqu'ici par le Ḥafets Ḥayim (voir septième section et la Guémara Baba Batra 89b).

12 La gzéra shavah est méthode d'interprétation basée sur une identité de termes dans deux passages différents de la Torah. Un telle interprétation permet à une loi énoncée dans le contexte du premier terme de s'appliquer dans le contexte du second terme. Néanmoins, ces couples de termes ne sont pas arbitraires et sont en nombre limité (deux termes semblables dans deux versets différents ne forment pas nécessairement une gzéra shavah.) Elles doivent avoir été transmises da maître à disciple et sont en nombre limité. De là vient qu'elles ne peuvent être remises en cause : elles trouvent leur origine dans la révélation au Sinaï.

13 Voir sixième principe.






14 Voir principe 7.


15 Permission d'ordre rabbinique, en général par exception à un interdit.



16 Baba Batra 89b :

Rabban Yoḥanan ben Zakkaï dit au sujet de toutes ces halakhot [concernant l'intégrité des poids et mesures] : malheur à moi si je les enseigne ; malheur à moi si je ne les enseigne pas. Si je les enseigne, peut-être les fraudeurs apprendront [de nouvelles méthodes qu'ils ne connaissaient pas auparavant pour tricher avec les poids et mesures.] Et si je ne les enseigne pas, les fraudeurs diront peut-être : les Talmidéi Ḥakhamim ne connaissent pas les caractéristiques de notre métier !

On souleva devant [les Sages] le dilemme suivant : [Rabban Yoḥanan ben Zakkaï a-t-il décidé] d'enseigner ces halakhot en public, ou bien ne les a-t-il pas enseignées ? Rav Shmuel bar Rav Yitsḥaq dit : Il les a enseignées, et il les a enseignées en s'appuyant sur le verset : « Droites sont les voies de HaShem, les justes y marchent ferme, les fauteurs y trébuchent. » (Hoshé'a - Osée 14,10)

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