Rékhilout : Chapitre 6 (1 à 5)
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L'interdiction de la rékhilout (רְכִילוּת) ; Sixième principe :
Sixième principe : Remarques préliminaires
Dans ce chapitre, on expliquera l'interdiction d'ajouter foi à [des paroles] de rékhilout, lorsqu'elles sont prononcées devant trois [personnes] ou devant lui, et le din, si un dommage lui est advenu, et qu'une rumeur ait couru, [disant que c'est] Ploni qui lui a causé ce dommage, ou qu'on lui ait parlé « innocemment » de la chose, ou si c'est par une personne qu'il croit « comme deux témoins » qu'il a appris la chose, et d'autres détails du din de rékhilout. Il comporte dix sections.
Sixième principe : première section
Il est interdit d'ajouter foi [à des paroles de] rékhilout même si l'on a fait ce rapport en public, devant de nombreuses personnes, parce qu'une telle circonstance ne permet pas de conclure que ce qu'il rapporte est véridique. Il est seulement possible de soupçonner, et de s'informer dans la mesure où [comme on l'a dit], cela peut nous affecter dans l'avenir.
Sixième principe : deuxième section
Comme on l'a expliqué plus haut (1), il est interdit d'après le din d'ajouter foi à des paroles de lashone har'a, même si elles ont été dites face à face. Il en va de même de la rékhilout. En d'autres termes, si face à quelqu'un, on dit : « Tu as dit telle et telle chose au sujet d'untel », et qu'il reste silencieux alors qu'on rapporte des paroles de rékhilout à son propre sujet, il est tout de même interdit d'y ajouter foi, et on ne déduira aucune preuve [de son silence.] Même si le caractère de cette personne ne la porte pas à rester silencieuse habituellement, qu'elle agisse ainsi à ce moment ne constitue pas une preuve, comme on l'a expliqué plus haut.
Tout cela dans la mesure où celui qui parle ne transgresse pas « Tu n'iras pas colportant dans tes peuples. » (2) Comme dans le cas où il lui dit de se garder de Ploni, qui veut lui causer du tort, ou des choses de ce genre, comme on le verra plus loin. À plus forte raison s'il prononce des paroles de lashone har'a et de rékhilout en général à son sujet. N'avons-nous pas expliqué déjà, au nom des Poskim, que lashone har'a et rékhilout sont interdits, que la personne concernée soit ou non présente ? S'il en est ainsi, et même s'il est vrai que, comme il le prétend, Ploni a dit telle et telle chose à son sujet, il est tout même un impie accompli (3), selon son propre propos, puisqu'il transgresse le commandement négatif : « Tu n'iras pas colportant dans tes peuples. » (4), ainsi que les autres commandements négatifs et positifs qui ont été expliqués dans l'introduction. À cause de cet impie, devra-t-on dépouiller [la personne visée] de son statut de casherout, et l'accuser d'avoir entre autres transgressé le issour du lashone har'a ? Certainement, celui qui est suspecté [de transgresser] le commandement négatif de la rékhilout et du lashone har'a, on le soupçonnera également de mentir, d'en rajouter, et de modifier les choses [qu'ils rapportent] du début à la fin.
Sixième principe : troisième section
Si l'on a subi des pertes dans ses affaires dont on ne connaît pas la cause, comme un locataire qui, faisant l'objet d'une éviction, ne sait pas si quelqu'un l'a calomnié, ou si c'est l'initiative personnelle du propriétaire, il est interdit de soupçonner un Juif. Si toutefois des indices pointent vers lui [comme on l'expliquera plus loin], c'est un cas où il est permis de croire à ces paroles de rékhilout en son for intérieur. Cependant, il n'est pas permis de provoquer un dommage [à la personne suspectée, comme on l'expliquera plus loin]. Il est en effet interdit de qualifier un Juif d'impie (rash'a). À cet égard, la Torah enseigne : « בְּצֶדֶק, תִּשְׁפֹּט עֲמִיתֶךָ – Juge ton prochain avec indulgence. » (5)
Même s'il a entendu que Ploni lui a causé cette perte, il ne lui est tout de même permis que de soupçonner, et non de se convaincre en son for intérieur que la chose est vraie.
Si des gens attisent la querelle avec la personne soupçonnée, en lui disant ce qu'on a entendu à son sujet, à savoir qu'il a été la cause d'une perte pour un Juif, et qu'il reste silencieux, on ne doit pas en conclure que l'accusation est fondée. Bien que ce soit en effet une mitsvah de le laver de tout soupçon, et de convaincre celui qui le soupçonnait ainsi qu'un tel soupçon n'est pas fondé, comme il est écrit : « וִהְיִיתֶם נְקִיִּם מֵיְהוָה, וּמִיִּשְׂרָאֵל – Et vous serez quittes [de toute culpabilité] vis-à-vis de HaShem et d'Israël. » (6), il est possible qu'ils [ces gens] soient tellement accrochés à leur conviction que la médisance est vraie qu'ils n'acceptent aucune réponse de sa part, et c'est pour cela qu'il a décidé que le mieux pour lui est de se taire, et de faire partie de « ceux que l'on insulte et qui n'insultent pas, qui acceptent la disgrâce et ne répliquent pas. » (7)
Sixième principe : quatrième section
Sache encore que le issour d'ajouter foi à [des paroles de] rékhilout s'applique même si on les a entendues de deux personnes ou plus, et même si c'est la rumeur dans la ville que Ploni a parlé contre lui, ou lui a causé tel ou tel [dommage.] Il est tout de même interdit d'y ajouter foi, et de laisser son cœur confirmer que la chose est vraie, même si l'intention de ses interlocuteurs, selon leurs paroles, était pour son propre bien à venir. Car leurs paroles n'ont pas [le pouvoir] de faire d'un Juif un rash'a ! (8)
Sixième principe : cinquième section
Le issour d'ajouter foi à [des paroles de] rékhilout s'applique même si l'on croit la personne qui parle « comme deux [témoins] », et même s'il n'y a ici aucune possibilité d'interpréter la chose [rapportée] selon un jugement favorable.
Cela est vrai dans la mesure où aucun bienfait futur ne peut résulter de cette connaissance [pour celui qui écoute]. Mais si c'est le cas, comme lorsqu'on lui dit que Ploni veut s'en prendre à lui ou à ses biens, en sorte qu'il puisse se protéger, il est permis d'accepter ces paroles et de les croire vraies. Cependant, il ne doit rien en révéler à quiconque, pas même aux membres de sa famille, à moins qu'une telle révélation ne serve un but positif (9).
Et tout cela encore seulement si la personne lui a dit avoir entendu la chose de la bouche même de [celui que l'on soupçonne.] Mais si elle l'a entendue d'un tiers, qui lui a dit l'avoir entendu de lui, sa parole n'a pas plus de valeur que celle de n'importe qui.

Mis en ligne le 11 Iyar 5783 (2 mai 2023)
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2 Wayiqra – Lévitique 19,16, autrement dit le principe de base du lashone har'a.
3 En hébreu « רָשָׁע גָּמוּר »
4 Ibid.
5 Wayiqra – Lévitique 19,15. Le Rabbinat traduit : « Juge ton prochain avec impartialité. » Mais Rashi, citant Sanhédrin 32a écrit : « Tu jugeras ton semblable avec justesse : À prendre au sens littéral. Autre explication : Juge ton semblable en lui accordant un préjugé indulgent (לְכַף זְכוּת). »
6 Bamidbar – Nombres 32,22. Le contexte évoque la décision des tribus de Gad et Réouven de ne pas entrer en terre d'Israël, mais de s'installer avec leur bétail dans les pâturages fertiles de l'est du Jourdain (actuelle Transjordanie). Moshé leur fait savoir que leur décision n'est acceptable que dans la mesure où ils viendront en aide aux autres tribus pour la conquête du pays. Alors seulement : « vous serez quittes [de toute culpabilité] vis-à-vis de HaShem et d'Israël. »
7 Yoma 23a : « Ceux que l'on insulte et qui n'insultent pas [en retour], qui acceptent la disgrâce et ne répliquent pas, qui agissent par amour de HaShem, et qui restent heureux dans leur souffrance, le verset dit à leur sujet : ''וְאֹהֲבָיו,כְּצֵאת הַשֶּׁמֶשׁ בִּגְבֻרָתוֹ – Ceux qui L'aiment rayonneront comme le soleil dans sa gloire. (Juges 5,31)'' » On trouve un enseignement équivalent en Shabbat 88a. Peut-être une allusion au comportement du roi David, lors de son altercation avec Shim'i ben Guéra (II Shmuel 16, 9-12)
8 Comme il a été expliqué plus haut (deuxième section).
9 Par exemple, probablement, dans le cas où il a besoin d'aide pour se protéger des entreprises néfastes de Ploni.
